Interview : Paul Gilbert

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Paul Gilbert est un guitariste américain principalement connu pour son travail avec les groupes Racer X et Mr. Big. À la suite de son départ de Mr. Big en 1996, il poursuit jusqu’à ce jour une carrière solo. Il a également été nommé quatrième « shredder » le plus rapide de tous les temps par le magazine GuitarOne en 2003, après Michael Angelo Batio, Chris Impellitteri et Yngwie Malmsteen. Au 1er septembre 2014, il a sorti en France son album appelé Stone Pushing Uphill Man chez Mascot Label Group/Music Theories Recordings. Sa passion pour la guitare et son problème d’audition nous rappelle un peu l’interview faite avec un autre guitare héro : Tommy Emmanuel ici. Paul, loin d’être blasé, revient un peu sur sa carrière et surtout nous parle de cet album au nom énigmatique.

Bonjour Paul ! Revenons un peu en arrière et parle-nous de tes premiers souvenirs liés à la musique !
Bonjour Nathalie ! Mes parents avaient beaucoup de disques : des débuts du rock, du blues, mais aussi du classique. Ma musique favorite était les Beatles. Au début, je n’aimais pas du tout la musique classique mais mes goûts ont changé à l’adolescence, où j’ai commencé à aussi apprécier le classique.

Tu as commencé à jouer de la guitare à l’âge de 6 ans pour finalement la laisser tomber jusque 9 ans. Que s’est-il passé à ce moment-là de ta vie ?
A l’âge de 6 ans, j’ai commencé à me mettre à la guitare en apprenant à lire les partitions de musique avec les cours d’un professeur. Je me suis dit à ce moment-là que c’était vraiment ennuyeux d’apprendre la guitare ainsi et que personne ne devrait apprendre de cette façon. La musique c’est du son en premier lieu. Donc, il faudrait commencer par les oreilles et non par les yeux ! A 9 ans, j’ai commencé à apprendre grâce à mes oreilles en essayant de rejouer ce que j’entendais. Encore aujourd’hui, j’ai une certaine amertume par rapport aux partitions et aux notes et je n’arrive toujours pas à lire de la musique correctement. Ça m’a fait perdre trois ans de mon existence où j’aurais pu apprendre à jouer.

Quelles sont tes idoles ?
Tous les groupes de rock entre 1964 et 1984. Des Beatles à Van Halen. C’était l’époque où je grandissais et devenais adulte. Cette période sera toujours spéciale à mes yeux. Récemment, j’ai commencé à réécouter du jazz et du blues des années 1950 et 1960. Je ne retiens pas les noms malheureusement, je ne garde en mémoire que les notes et les rythmes.

Tu étais membre du groupe Racer X. Que retiens-tu de cette période de ta vie d’un point de vue artistique mais aussi humain ?
Dans le groupe Racer X j’appliquais ce que j’avais appris dans mon adolescence dans les cover bands et aussi au Guitar Institute of Technology. A l’époque, j’écoutais beaucoup de heavy metal, de musique classique et aussi un peu de pop music, et tous ces éléments entraient dans mon travail de composition et d’écriture, sans oublier aussi ma façon de jouer. Bruce Bouillet a eu une grande influence, comme il jouait de la guitare avec moi sur le deuxième album. On avait pratiquement les mêmes influences musicales sauf que Bruce jouait beaucoup mieux du blues que moi. On se faisait des jams de blues de temps en temps et il sonnait toujours mieux. Ça m’a donné la motivation pour améliorer ma façon de jouer du blues, ce qui a été vraiment très utile lorsque j’ai rejoint le groupe Mr. Big, où les influences de blues étaient très importantes.

Justement à un moment tu as quitté Racer X pour Mr. Big. Pourquoi ?
Premièrement j’étais un très grand fan de Billy Sheehan. J’allais régulièrement le voir jouer avec son groupe Talas quand j’étais adolescent et je copiais sa façon de jouer. Quand Billy m’a contacté pour créer un groupe, j’étais plus qu’excité de pouvoir jouer avec lui. J’étais aussi fan d’Eric Martin. J’écoutais ses disques solos et j’aimais beaucoup sa voix. Dans ma tête, il me semblait que ce groupe allait avoir un grand futur donc je n’ai pas hésité une seconde.

Mr. Big en 1992 à Paris

Mr. Big en 1992 à Paris

Mr. Big a eu un succès quasi immédiat au Japon. Comment as-tu vécu ce succès, notamment aussi en Europe après le titre To be with you ?
C’était vraiment génial ! J’étais vraiment ravi de pouvoir jouer dans de grandes salles et surtout que tellement de personnes écoutent notre musique. Il y a eu des moments où nous ne pouvions pas quitter nos chambres d’hôtels car il y avait trop de fans à la réception. Mais ça se sont de « bons soucis ».

Tu reviens cette année avec un album qui s’appelle Stone Pushing Uphill Man. Tu cites bien sûr Sisyphe dans ta biographie qui était condamné par Hadès à pousser un énorme rocher jusqu’au sommet d’une montagne dans le royaume des morts. A peine ce but atteint, le rocher roulait jusqu’au pied du versant d’où Sisyphe devait le remonter. Quel est ton rocher personnel ?
J’aime beaucoup la musique et je ne cesse de faire des recherches dans ce domaine, car je constate que mes goûts musicaux ont beaucoup changé et évolué à travers les années. Avant, j’aimais beaucoup les anciennes musiques mais maintenant je ne m’y attarde plus trop. C’est comme si le rocher était retombé au versant et que je devais à nouveau le pousser vers le haut. Je suis quelqu’un de satisfait et j’aime l’opportunité que ça me donne de faire de la musique et de continuer ma quête personnelle dans ce domaine. Un jour mes goûts vont sûrement encore changer. Ce n’est pas grave, car j’aime le cheminement que cela procure.

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Albert Camus disait que Sisyphe était un homme heureux. Est-ce ton cas ?
Oui, je suis heureux de faire le métier que j’ai toujours voulu faire. Être musicien a toujours été un rêve. Parfois cela m’arrive d’échouer, mais jusqu’à aujourd’hui j’ai toujours eu l’opportunité de me relever et de continuer. Des fois, je réussis ce que j’entreprends et ça c’est un sentiment magique !

Comme tu t’appelles Paul Gilbert et que tu cites Albert Camus dans ta biographie, quelle est ta relation avec la culture française ?
Je ne suis pas un expert. Quand j’ai commencé à penser à mon nom d’album, j’ai fait une recherche google et j’ai vu la citation d’Albert Camus. Je lis beaucoup, mais ma lecture n’est pas vraiment connectée à un pays en particulier.

Si tu devais choisir une damnation pour le reste de ta vie, quelle serait-elle ?
Ah ! J’en ai déjà une en fait : ma perte de l’audition. C’est ma nature de voir toujours le bon côté des choses : comme je n’entends pas grand-chose, je ne risque pas de me réveiller en pleine nuit à cause d’un bruit ou si une personne dit du mal de moi, je ne l’entendrai pas. Ce défaut me permet de me concentrer sur la structure de base de ma musique. Je ne peux pas entendre la texture ou les variations de production comme je les entendais au début, mais j’entends beaucoup mieux qu’avant les arrangements musicaux et la structure de la chanson.

Une dernière question avant de terminer : notre question rituelle. Beatles ou Rolling Stones ? Et pourquoi ?
J’aime les deux groupes mais les Beatles sont mélodiquement les plus forts. Je ne peux pas citer un autre groupe qui a tellement de chansons aussi mélodiquement parlantes que les Beatles. Mick Jagger est un frontman d’exception et il sait très bien bouger. Je pense que beaucoup de femmes préfèrent les Stones aux Beatles grâce à lui notamment. Ma mère était une très grande fan. Moi je suis un fan de musique donc mon choix va naturellement aux Beatles. J’espère que mes fans les écouteront beaucoup et n’écouteront pas que du heavy metal.

Propos recueillis par : Nathalie Barbosa

 

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