Interview : Hugues Aufray

Photo_copyright Jean Baptiste Mondino

« C’est un fameux trois-mâts fin comme un oiseau… », « Dis-moi, Céline, les années ont passé », « Elle descend de la montagne à cheval »… Qui ne reconnaît pas ces paroles ? Qui n’a jamais fredonné l’un de ces tubes ? Guitariste français, HHugues Aufray a composé de nombreuses chansons dont il réalise les arrangements et les mélodies. Passionné de musique, d’équitation et de voile, il consacre une partie de son répertoire à la mer et aux chevaux.

Petite anecdote : Hugues Aufray est le seul à avoir adapté les fameuses chansons de Bob Dylan en français ainsi que la chanson Yesterday des Beatles (Je croyais). Son ami lui avait d’ailleurs rendu visite en 1964 à Paris. Le 1er juillet 1984, Hugues Aufray le rejoint même sur scène. Hugues Aufray vous fera chanter à tue-tête ses chansons à succès comme « Stewball » et « Santiano » lors de son dîner-concert dans la salle du Chapito au Casino 2000 à Mondorf-les-Bains le samedi 20 décembre 2014. Avant ce rendez-vous, nous lui avons parlé de son succès.

Souvent poétiques, vos chansons évoquent les voyages, l’amitié, la fraternité, le respect. Est-ce que ce sont les valeurs que vous défendez encore aujourd’hui et leurs devez vous votre succès ?
Bonjour Nathalie ! C’est délicat, votre question… Je ne pense pas que l’on puisse être différent de ce que l’on est. Chaque canard a un plumage qui lui est propre. Ce que je chante, c’est vraiment moi-même. Il y a pas mal d’artistes qui chantent des choses qui ne correspondent pas à leur comportement, c’est sûr, mais ce n’est pas mon cas. Pour revenir à votre question, les gens m’aiment car je pense qu’ils se reconnaissent dans mes albums. Ils vous aiment pour ce que vous êtes et il est très rare que le public se trompe. Moi je chante des chansons populaires et les gens qui m’écoutent ne cherchent pas midi à 14 heures.

La liberté a aussi toujours été une valeur importante dans votre vie. Vous a-t-on jamais restreint dans votre liberté en tant qu’artiste ?
Je ne crois pas à la censure. Je crois à une certaine autocensure, oui ! Je ne crois pas ces artistes qui disent ou qui disaient qu’on les interdisait de chanter. C’est un mensonge ! La seule censure que je connaisse c’était pendant la guerre d’Algérie quand la chanson Le déserteur est sortie. Cela n’a pas été accepté et je le comprends très bien. La désertion était un sujet délicat à ce moment-là. Les médias exercent un certain type de censure, car quand ce que vous faites ne les intéressent pas, ils ne vous invitent pas aux émissions de télévision ou on n’écrit pas d’article sur vous. C’est comme quand vous avez des invités à table, vous ne servez pas ce que les invités ne mangent pas. Ceux qui aiment bien vos idées, vous invitent. Je suis quelqu’un de libre mais de temps en temps je me censure moi-même et des fois je cède à la tentation liée à la provocation. Un jour, j’étais invité dans une radio libertaire à Paris et j’ai corrigé le journaliste en disant que George Brassens était agnostique et non athée. Pour ceux qui ne connaissent pas la différence, tant pis pour eux, mais c’était important pour moi de le signaler. Ça ne leur a vraiment pas plu, donc je n’ai plus été invité par la suite.

En 1964, vous avez représenté le Luxembourg au concours Eurovision de la chanson et vous vous êtes classés quatrième avec la chanson « Dès que le printemps revient ». Pourquoi avoir accepté de représenter le Luxembourg ?
J’ai été choisi par les gens de la programmation du concours et j’ai accepté car je représentais une radio périphérique et non d’État. Faire ce concours en représentant RTL était un avis politique contre le totalitarisme français représenté par Radio France. RTL était une radio en français mais qui se situait en territoire étranger. Je continue à penser aujourd’hui que les radios  doivent être autonomes et non soumises à un État. Je ne comprends pas, par exemple, qu’une radio comme Radio Monte-Carlo ne soit pas diffusée dans toute la France. Ce n’est pas normal ! J’ai longtemps reproché à la droite de Giscard de ne pas avoir libéré les radios, il a fallu attendre Mitterrand pour le faire. Je suis quelqu’un de libéral dans le sens « liberté » du terme. Je ne suis ni à gauche, ni à droite et je n’accepte pas d’être classé. Je suis un humaniste. Je n’empêche personne de s’exprimer et je n’ai rien contre le fait qu’une radio d’État s’exprime tant qu’elle n’empêche pas les autres de s’exprimer.

Qu’est-ce qui aujourd’hui, à 85 ans, vous motive encore et toujours à monter sur scène ?
J’ai une exigence de la vie à ne pas rester inactif. Les artistes sont des personnes qui s’amusent, qui ont du plaisir et qui sont payés pour ça. On dit bien « jouer du piano » ou « jouer la comédie ». Les artistes jouent ! Ils ne sont pas obligés ! Alors qu’un métier, vous l’exercez par obligation : pour vous nourrir ou pour nourrir votre famille. Les artistes ne sont pas comme les hommes qui vont à la mine ou les éboueurs qui doivent se lever tous les matins. L’idée-même de la retraite pour un artiste me parait scandaleuse. Je connais beaucoup de chanteurs, soi-disant de gauche, qui vivent comme des richards dans le capitalisme. La musique donne un sens à ma vie et ça me permet de vivre, oui. Moi, je ne capitalise pas. Je suis la cigale de Jean de La Fontaine. Je dépense ce que j’ai.

Comment procédez-vous quand vous écrivez ? Vous vous basez sur des faits, des expériences personnelles ou votre imagination prend le dessus ?
Toutes mes chansons ont un fond autobiographique. Quand je chante par exemple Le petit âne gris, je ne parle pas de l’animal. Un âne est un animal pas du tout spectaculaire qui rend des services à l’humanité. Je pense ici à toutes les petites mains : les marins qui partent à la pêche et qui nourrissent les Hommes, les mineurs, les infirmiers. Cette chanson est dédiée à toutes ces personnes humbles qui sont dans l’ombre et qui font leur métier et à tous les bénévoles. Écrire ça n’a jamais été une nécessité pour moi, mais je me rends compte qu’on n’a jamais été mieux servi que par soi-même !

Une dernière question avant de terminer : notre question rituelle. Beatles ou Rolling Stones ? Et pourquoi ?
Sans hésiter : les Beatles ! Paul McCartney, c’est mon chouchou. Il continue d’ailleurs de chanter pour mon plus grand bonheur. Il n’a jamais été provocateur et il exprime les valeurs qui sont les miennes. La musique des Beatles, ce n’est pas du rock’n’roll violent et les Beatles expriment tellement de sentiments dans leurs mélodies hyper simples, c’est incroyable. Les Stones ce sont de jeunes vieux pour moi. 

Propos recueillis par : Nathalie Barbosa

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