Interview : Chinese Man

chinese_man_karma

Chinese Man fête cette année sa dixième année et par la même occasion la première décennie de son label Chinese Man Records, autour d’un nouvel album et d’une tournée des Zénith de France. Rencontre dans les grandes largeurs. Première partie d’une interview diptyque, dont la suite sera à retrouver dans notre numéro 8 !

Vous avez sorti début 2014 un EP, intitulé Once Upon a Time, composé de deux titres et plusieurs remix ou version instru. Pourquoi ce titre ?
SLY –
Ca vient de Toumi, en fait (chanteur africain en featuring sur la chanson éponyme). Concernant la face A, on n’avait pas forcément de titre. Mais quand on a vu les paroles de Toumi, ça nous a semblé évident. Une fois de plus, c’est quelque chose qui déclenche un imaginaire. Le graphiste a pu faire son visuel autour de ça, c’est assez ouvert pour faire sa propre interprétation. Et puis, c’est aussi en rapport direct avec le texte.

La pochette est d’ailleurs particulièrement réussie. Le clip de Once Upon a Time est quant à lui visuellement assez différent. On y retrouve un côté très old school, semblable aux clips des années 1990.
Zé Matéo –
Dans le son, y a un peu de ça. On est très esprit 1990, basé autour d’un sample avec un rappeur, un couplet rappé, un refrain chanté. Pour le clip,on a fait passer le morceau au réalisateur et de cette écoute est née l’idée. On a donné une direction visuelle mais c’est sa lecture du truc, des paroles, qui explique que ce soit assez différent.
High Ku – il est venu bosser avec nous sur la session clip, il a aussi bossé avec Toumi, histoire de capter son esprit, son caractère, sa personnalité. Toumi écrit d’une certaine manière et c’était cool qu’il y ait cet échange, qui a permis au réalisateur de faire un clip précis ensuite. Le texte de Tumi est assez grave, même s’il y a du second degré et qu’il évite de tomber dans la caricature. C’est d’ailleurs l’idée du texte, de dire qu’il faut reconnaître les effets de la colonisation et en même temps, de ne pas prendre ça comme un prétexte au quotidien pour ne pas avancer. C’était important de faire ressortir à la fois le côté grave, mais aussi drôle, avec du recul. On souhaitait mettre cette dualité en avant. Le clip a ce côté joyeux, absurde et coloré mais derrière, il y a plein de petites références au texte. Le défi était de se demander comment illustrer sans tomber dans des images de guerre, de gens pauvres. Retrouver la finesse de l’écriture en somme.

C’est donc Christian Volckman qui l’a réalisé. Vous avez des travaux réguliers ensemble ?
SLY –
Oui, il avait déjà réalisé un clip pour nous – Miss Chang – sur l’album Racing with the Sun et Matéo le connait depuis un bon moment. C’est lui qui a réalisé un film qui s’appelle Renaissance, un film d’animation.
High Ku – C’est aussi l’idée avec Chinese Man, de faire des propositions entières en respectant le style de musique. Nous, on apporte l’idée, puis il y a des échanges avec lui (Christian Volckman ndlr) et il amène son parcours, sa vision.

Avec Chinese Man Records, on passe aussi dans une autre dimension en terme de création et de gestion d’univers.
Zé Matéo –
En fait, c’est le cas depuis le début. Sur The Groove Sessions Vol.1 (sorti en 2008), il y avait déjà un titre de Leo le Bug et on retrouvait aussi des titres de SLY en solo. C’est juste qu’au début, on faisait la majorité de l’album. Mais ça s’est étoffé sur le volume 2 et finalement sur un album de Chinese Man on ne réalise que 4 titres en gros. C’est un peu chiant parce que les gens mélangent Chinese Man et Chinese Man Records du coup, mais c’est aussi parce qu’il y a une unité de force et tu peux trouver des liens entre Deluxe, Taiwan et Chinese Man.
SLY – c’est dur de différencier le label du groupe. On a aussi des graphistes et on souhaite également créer des ponts avec les chanteurs, avec Taiwan, avec Deluxe. On a créé un espèce de collectif plutôt qu’un label qui choisi un artiste à propulser.
High Ku – C’est tout ça les groove sessions !

 

chinese_man_groove_session

 

Si nous on est là, c’est peut-être parce que on a jamais eu LE succès énorme mais plein de choses qui marchent pas mal, par étapes.

 

 

Là je dégaine ma question polémique en vous entendant parler de collectif. Un petit avis sur Fauve ?
Zé Matéo –
C’est assez marrant, parce que du coup, nous, Fauve on ne connaissait pas jusqu’à récemment. C’est un univers, apparenté au slam, qu’on écoute finalement très peu. J’ai été étonné en lisant un article dans Public. C’est le mauvais côté du truc. Même si les gars ont une démarche intègre au début, ils se retrouvent dans des trucs où ils ne peuvent rien y faire. Le discours qu’ils ont c’est ouf, c’est celui qu’on a depuis 10 ans. Les Bataclan en indépendant, ne pas montrer son visage à part sur scène, ne pas apparaître partout .C’est ça qui est terrible quand tu fais l’objet d’un buzz énorme en France, on te désapproprie de ton projet et tu te retrouves exposé à des critiques de gens qui te qualifient de « groupe à écouter du moment ». Je suis content que, avec les mêmes recettes et les mêmes envies dans un autre style et pas à Paris il y a quelques années – personne ne soit rentré dans une logique de traque obsessionnelle alors qu’on ne voulait pas se montrer. Là, les mecs se retrouvent en photo dans Public. C’est dégueulasse. Du coup je me dis, ils sont quasi victimes de leur concept. Après, dans quelle mesure ils en avaient envie, je ne sais pas…
SLY – Quand tu sais que ta musique va solliciter cette forme de polémique, tu axes aussi ta com’. Ce sont les règles du jeu. Il ne faut absolument pas donner nos noms et toutes leurs mesures, ça crée l’opposé de l’interdit, le désir de savoir qui c’est, ça conduit à ne pas mettre une forme de modération.
Zé Matéo – Le truc, c’est que ça a été une surprise pour eux et pour le monde de la musique. A la base, c’était quand même l’anti-commercial, un truc rock, slammé bizarrement… Qui se retrouve dans Public ! Enfin, sans parler de musique, le côté catharsis, on adore ça en France. Un vrai artiste, il doit être torturé. Le truc, c’est que Chinese Man, nous, on est tout le temps en train de se marrer. Et pourtant Racing with the Sun est un album dark. On a une imagerie qui fait qu’on nous prend pas forcément pour un groupe sérieux. Sans ce côté dépressif, t’as moins de points d’accroche. Moi je trouve ça terrible quelque part pour eux. Comment tu te remets d’un truc comme ça ? Si nous on est là, c’est peut-être parce que on a jamais eu LE succès énorme mais plein de choses qui marchent pas mal, par étapes. En tant que musicien c‘est aussi ce qui te permet d’être bien dans tes pompes.

Justement, concernant votre longévité. Vous fêtez vos 10 ans. Qu’avez-vous envie de dire et de montrer, notamment au travers de votre tournée ?
Zé Matéo – C’est un gros pari pour nous ce premier mois de tournée ensemble. Il nous faut créer notre live, qui va durer une bonne heure, puis créer le live de Deluxe  qui durera également 1h. Et puis après, il y a le gros défi de la tournée qui est de faire 30 minutes en commun avec nous, Taiwan, Deluxe. Ça donne une quinzaine de personnes sur scène pour donner une interprétation live des morceaux qu’on ne peut pas se permettre au quotidien. C’est pour ça que c’est un projet limité à un mois, dans les Zénith. Un projet énorme ! Du coup, là, on bosse avec Deluxe sur ce co-plateau autour des morceaux les plus emblématiques du label. Et puis, sur le live, on voulait intégrer plus de musiciens, on a fait un gros dispositif vidéo mais on ne voulait pas s’arrêter à un dispositif et se complaire dans une course à qui aura le plus gros écran, ça ne nous branchait pas ! On avait juste envie d’un truc joyeux et chaleureux. Marre des sets dans le noir, avec des lasers. On voulait être vus pour une fois. Du coup, on s’est dit qu’on souhaitait aussi réintégrer des musiciens, une section cuivre, des percus. On a créé toute cette semaine et on a un vrai band !
SLY – On se doit de recréer de la musique avec un groupe…
High Ku – Ouais, un groupe de chinois (rires) !
Zé Matéo – Ça permet vraiment de reprendre les morceaux à la base. T’es pas obligé de faire des gros remixes. Tu peux te permettre de balancer des versions live des morceaux qui n’ont finalement jamais vraiment existé. Ça va être fou !
SLY – Nous on est enthousiaste, vraiment ! Ca a toujours été un baromètre. Si ça nous plait, que ça nous parle, on a toujours eu une bonne réception du public. Donc j’espère que ce sera le cas, cette fois encore !
Zé Matéo – On prend un peu le contre-courant de ce qui se fait aujourd’hui. Les shows sont souvent basés sur de la technique pure. Nous on essaie d’aller vers autre chose.
High Ku – On a senti, dès les répétitions, que ça a cassé un truc. Pour nous, l’idée n’est pas de prendre un batteur qui rejoue la batterie, c’est vraiment de se poser la question du réarrangement. Comment faire sonner en live ! On se rend compte déjà dans les répétitions qu’on fonctionne plus de la même manière, parce que dans un band, tu te regardes, ça échange, un percu réintroduit un certain hasard, ça casse la boucle. On veut que les gens retrouvent ce qu’ils ont aimé dans les morceaux mais en se prenant une grosse baffe en live !
Zé Matéo –  Moi, en live, j’ai envie de bouger. Je m’en fou d’avoir une version symphonique des morceaux. On cherche vraiment ce côté musique black, vivant. Les gros solos, ce genre de choses, ça me gave !

 

 On veut que les gens retrouvent ce qu’ils ont aimé dans les morceaux mais en se prenant une grosse baffe en live !

 

 

Et pourquoi avoir choisi spécifiquement de tourner dans des Zénith dans un premier temps ?
High Ku –
Pour la thune (rires) !
Zé Matéo –  Un peu comme pour choisir ce projet des 10 ans. On s’est dit qu’on allait être 35 sur la route. On doit aussi aller dans des endroits, où il y a suffisamment de spectateurs qui peuvent rentrer. C’est un peu compliqué de faire un plateau avec autant de musiciens dans une salle de 800 personnes.
SLY – C’est clair, on ne peut pas trop !
Zé Matéo – Et puis, c’est un peu inédit. C’est un sacré bordel à organiser, on découvre aussi. On se permet, parce qu’il y a une certaine attente de voir à la fois Deluxe, Chinese Man, Taiwan, de voir des artistes du label. En tant que label indépendant, on marque un grand coup en se permettant de se lancer dans cette aventure-là.
SLY – On ne se dit pas « on va faire les Zénith de France ». On ne peut juste pas vraiment le faire ailleurs, en fait.
Zé Matéo – Malgré les contraintes des Zénith, le kiff aussi c’était de se dire qu’on s’occupe nous même de la sono dans chaque salle. Donc on peut totalement avoir le son qu’on veut, les images qu’on veut. Mais si ça se trouve, on retournera en club la prochaine fois. Après ce mois, il y aura encore des dates et ce ne sera pas dans des salles comme celles-là !

chinese_man_10_years

Alors, je mets ma casquette PQR à présent. Je vous pose la question tarte à la crème. Ça vous fait quoi de venir à Nancy ?
SLY – Attends. A Nancy ? Le 7 mai à Nancy ? C’est ça ? On avait joué à Nancy déjà non ?

Oui, Vous étiez venu au Jardin du Michel, en 2011.
SLY – Ah oui ! Enorme, énorme !
High Ku – grave !
Zé Matéo – très bon souvenir !
SLY – Bah, du coup, on est content de retourner à Nancy si c’est aussi bien qu’au Jardin du Michel ! Ma sœur a vécu là-bas pendant un an. Ca n’a aucun intérêt, mais il y a un lien (rires).
High Ku – Et toute façon, tu ne pourras jamais le prouver !
Zé Matéo – Moi, j’aimerais bien qu’on ait plus l’occasion de découvrir les villes où on passe. Souvent, avec Chinese Man, on part faire une tournée, mais on ne peut même pas faire un tour, visiter un peu.
High Ku – La place Stanislas, c’est très joli…
SLY – Quand tu lis les commentaires sur Facebook, tu es toujours face à des gens qui te disent « mais pourquoi vous ne venez pas dans la ville d’à côté ». Mais ce n’est pas nous qui choisissons!
Zé Matéo – Ah sauf cette tournée-là. Cette fois-ci, c’est entièrement nous… (rires)

 

On est content de retourner à Nancy si c’est aussi bien qu’au Jardin du Michel ! Ma sœur a vécu là-bas pendant un an. Ca n’a aucun intérêt, mais il y a un lien !

 

SLY – Vous sortez quand déjà votre prochain mag ?
Karma : en juin
High Ku – Ah bah, tu peux écrire pour conclure : « tout était complet, ça c’est très très bien passé ! » (fou rire général)
Zé Matéo – C’était super ce mois de tournée d’ailleurs !
Karma : Ouais, j’ai adoré ! J’ai fait des photos très cool d’ailleurs !
SLY – Ouais, à ce sujet je me souviens, ton flash, c’était un peu chiant !
Karma – Ah non, jamais de flash (rires)!
Manager – De toute façon, on te fait signer des papiers ! On vérifie les cartes mémoires aussi (rires). Non, en vrai, c’est surtout pour éviter les types qui se pointent en plein sur la vidéo.

Une question complètement existentielle à présent. Vous avez coutume de déclarer, notamment en interview : « Pour être zen, mangez des nems… »… Quel mystérieux commandement se cache derrière cet adage séculaire ?
SLY – Bah t’as déjà essayé ? Un bon plat de nems… !
High Ku – C’est un gros délire… C’est notre slogan en fait, c’est tout à fait dans l’esprit de ce qu’on fait depuis le début. Ça a l’air sérieux mais c’est totalement stupide. Mais au début ça a du sens parce que c’est une blague entre potes. Mais évidemment quand tu dois théoriser dessus, là ça devient un peu plus compliqué. C’est pour dire, mange chinois, écoute notre son, tu seras zen. Ou alors… mange vraiment des nems !

Et enfin notre question rituelle : Beatles ou Stones ?
Zé Matéo – Beatles dans ma jeunesse et je suis devenus Rolling Stones avec le temps. Les Beatles, il y a un accès un peu plus facile, un peu plus pop. Les Rolling Stones c’est beaucoup plus rude.
SLY – Moi je préfère les Beatles dans la totalité mais les Stones pour mes morceaux préférés !
High Ku – Un peu pareil, ouais !
SLY –Les Beatles sont impressionnants sur la vision artistique et les Stones faisaient des tubes. Bon, les Beatles aussi, mais… Tu vois ce que je veux dire (rires) !
Manager – Moi je serais plus The Doors !
SLY – Ah bah super, merci !

Propos recueillis par : Ugo Schimizzi

1 Comment