Dossier : Daft Punk – Un petit air de déjà vu ?

En quelques années, les Daft Punk se sont imposés comme les leaders de l’électro français. Les versaillais
sont-ils des virtuoses de la composition ou de simples arrangeurs de samples bien inspirés ?

Les Etats-Unis s’affichent fièrement avec R2D2. Quant aux Japonais, ils narguent la planète cybernétique depuis des décennies avec quantités de boîtes de conserves à piles (comme ce petit sagouin d’AstroBoy). La France n’est pour autant pas en reste ! Elle a produit, il y a plus de 15 ans, deux spécimens qui sont, depuis, connus dans le monde entier. Les Daft Punk, formés des deux androïdes Thomas et Guy-Manuel, constituent actuellement le (plus ?) célèbre duo de musique électronique. Les rumeurs enflent d’ailleurs sur la sortie prochaine d’un nouvel opus.

 Si les Punk Crétins (sic) ont plus que jamais une influence sur les artistes maniant le synthétiseur (et sur Kanye West qui s’est fait greffer une glotte électronique pour économiser du temps en studio), ils sont aussi sujets à débat en raison de leur manière de composer. En effet, la majorité des titres qui les ont rendus célèbres utilisent des samples d’artistes, pour la plupart peu connus. Certains crient donc au scandale et accusent nos deux parisiens d’avoir vendu leur âme aux circuits imprimés de leurs échantillonneurs. Les français sont-ils donc de médiocres usurpateurs ou de complets génies ?
 Difficile de répondre de manière directe, tant c’est inégal selon les albums et les musiques. Seul point commun entre les morceaux : la technique de sampling. Tout droit importée du hip-hop, elle consacre l’expression selon laquelle « c’est dans les vieilles soupes que l’on fait les meilleurs tubes. » Le problème qui se pose ici, tant d’un point de vue créatif que légal, est le côté novateur dudit morceau. « Homework », leur premier album, est le moins samplé. Quasiment pas pour tout dire. Le vrai débat se trouve sur les albums « Discovery » (2001) et « Human After All » (2005).
 Par exemple, One More Time, un de leurs morceaux les plus célèbres sur « Discovery« , est en fait basé sur un sample d’Eddie Johns, un artiste funk des années 70 qui a caressé la célébrité avant de sombrer dans l’oubli. S’ils ne sont pas les premiers à utiliser cette technique, force est d’admettre qu’ils ont su extirper la substantifique moelle de bien des échantillons. One More Time ou encore Something About Us sont de vrais bijoux de « tritures » sonores. Seulement voilà, les Daft sont parfois victimes de coups de fatigue devant la table de mixage, voire carrément de narcolepsie. Robot Rock, de l’album « Human After All », pourrait être le prototype du scandale.
 Petite expérience à réaliser chez vous, aidés par « VotreTuyau » : écoutez Release The Beast de Breakwater puis Robot Rock. Vous ne remarquez rien ? C’est normal, c’est identique au silence près. Vous pouvez même faire un autre jeu : lancez les morceaux à l’aveugle et essayez de dire qui a composé quoi. C’est tellement ressemblant que Breakwater n’a jamais porté plainte pour plagiat, ils pensent que c’est leur morceau qui passe en radio ! Tout ça pour vingt euros l’album. C’est à se demander si, en ces temps de crise, il n’est pas plus efficace de fouiner dans une bonne vieille brocante pour dénicher l’original à un euro. Sur « Discovery », leur album le plus connu (mais si, souvenez-vous, le cross-over entre Albator et les Schtroumpfs), les titres Digital Love, Harder Better Faster Stronger ou encore Crescendolls sont tous basés sur des bribes de morceaux piqués à d’autres. Je laisse le soin à chacun de se faire sa propre idée, vous vous apercevrez que le riff principal de chacun de ces titres est systématiquement repris. Parfois, vous serez impressionnés par le travail sur l’échantillon et par les nouveaux éléments qui viennent le sublimer. Pour d’autres morceaux, vous laisserez probablement échapper un laconique « Oh les b*t*rds ! ». Dans ce cas, doit-on parler d’originalité, de reprise, d’hommage ou de traquenard ?
 En vérité, le génie des Daft Punk ne se trouve pas dans leurs mélodies à proprement parler, et donc dans leurs samples, quand bien même ils seraient proches des originaux. Leur force est d’avoir réussi en 2 albums (les 2 premiers) à réunir la musique des 30 dernières années, d’une manière diablement efficace, profonde et ludique. Cette dimension temporelle se retrouve d’ailleurs dans le visuel de leurs incroyables live, où les images sur les écrans représentent l’Histoire de l’Humanité. Sans barrière, sans frontière et déchirant les étiquettes si chères à l’esprit humain, ils ont réussi tels des robots mixeurs à mélanger méthode hip-hop, esprit funky, rythmiques électro et solos de rock bien rétro. Certains disent « sans gêne » ? Oui et heureusement. Cela leur a évité de tomber dans l’électro « discothèque » et leur a conféré un réel statut de créatifs aux yeux d’autres artistes.
 Si Jean-Michel Jarre, les Bee-Gees, Barry White et Jimi Hendrix jouaient ensemble dans un bar galactique en 2050, drogués aux amphétamines, ils pourraient pondre un morceau comme Digital Love. En véritables chrononautes du son, jonglant avec les styles et les techniques de différentes époques, les Daft Punk nous livrent rien de moins qu’un voyage dans le temps musical hyperactif. Comme si la boîte noire de la capsule temporelle avait parfaitement conservé et mélangé des ingrédients que rien ne pouvait réunir, sauf le talent.
Article : Rémi « Flag »

Liste (non exhaustive) des samples :

One More Time: Eddie Johns – More Spell On You
Aerodynamic: Sister Sledge – Il Macquillage Lady
Digital Love: George Duke – I Love You More
Harder, Better, Faster, Stronger: Edwin Birdsong – Cola Bottle Baby
Robot Rock: Breakwater – Release The Beast
Da Funk: Tata Vega – Get It Up For Your Love
Around The World: Jerry Goldsmith – The Rec Room
Make Love: Ben Harper – Brown Eyed Blues
Something About Us: Oliver CheathamGet Down Saturday Night 

Bonus:
Music Sounds Better With You de Stardust (formé de Thomas Bangalter): Chaka Khan – Fate
Une vidéo test des influences des Daft Punk :

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